L’extension – Zermatt, Gastros de montagne
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La station valaisanne est la destination plébiscitée des Romands. Mais finie l’ère du Club alpin, c’est devenu un village branché avec ses hôtels design et ses restaurants gastronomiques qui refusent du monde. Des bonnes tables pour des clients captifs. Mieux vaut réserver!
«Malgré la distance et la différence de langues, Zermatt reste la destination plébiscitée des Romands», assure le magazine Bilan du mois de février sur la base d’une analyse de l’Institut de tourisme des HEC à Lausanne. La station haut-valaisanne arrive nettement devant les autres leaders que sont Verbier, Crans-Montana, Saas-Fee et Villars-sur-Ollon (ndlr: Gstaad n’a pas été prise en considération dans ce classement qui ne tient compte que des six cantons romands).
Pour les catégories prestige, romantisme, sport pur-ski et culture, Zermatt arrive au 1er rang. Elle n’obtient en revanche que le 2e rang derrière Verbier, en ce qui concerne la gastronomie et le côté festif. Même s’il a pris sa retraite depuis belle lurette, il faut croire que le chef Roland Pierroz a laissé sa «patte» au pied du Mont-Fort! Est-ce dire que les gastronomes sont mal lotis à Zermatt? C’est loin d’être le cas. Les temps changent dans la station de Whymper, grâce notamment à un précurseur du tourisme branché, longtemps considéré comme l’«enfant terrible» du village. L’artiste zermattois Heinz Julen, 46 ans, a posé son empreinte dans tous les secteurs de la station: «Le niveau des restaurants s’est beaucoup amélioré en même temps que les hôtels sont devenus moins conventionnels», constate l’homme-orchestre haut-valaisan. Il tient simultanément un bar, un cinéma, une galerie d’exposition et un magasin de meubles design regroupés à l’enseigne du «Vernissage», un restaurant gastro, le «Heimberg» coté au GaultMillau, un bar branché, le «Snowboat», et bientôt un hôtel design de 20 chambres qui s’appellera «Backstage» et que le jeune marié doit ouvrir à la fin de l’année avec sa femme, Evelyne.
Des clients captifs
Heinz Julen n’est pas étranger à l’évolution moderne de la station: «Il y a vingt ans, les Zermattois me considéraient un peu comme un illuminé, mais aujourd’hui ils se frottent les mains». C’est le grand boom. Coupée du réseau routier, la station sans voitures vit certes un statut un peu particulier. C’est un cas assez rare de clientèle captive. Pas question de prendre son véhicule pour aller dîner ailleurs, ce n’est tout simplement pas possible. Et pour aller où? Résultat: pratiquement tous les restaurants sont pleins durant les cinq mois de la saison d’hiver. Si vous n’avez pas réservé à 17 h, vous pouvez oublier la bonne table, vous réfugier au MacDo ou espérer au mieux un deuxième service vers 22 heures: «La grande époque des rösti et des croûtes au fromage est derrière nous. On peut le regretter, mais les touristes qui viennent à Zermatt sont habitués à bien boire et bien manger. Ils ne vont pas changer leurs habitudes. La qualité se paie, mais n’allez pas croire que les restaurateurs gagnent beaucoup mieux leur vie. Leur chiffre d’affaires augmente, mais leurs marges sont plus faibles.»
Même sur les pistes de ski, les terrasses sont pleines au moindre rayon de soleil. Désormais, le skieur a aussi intérêt à réserver sa table à midi, s’il ne veut pas faire la queue à l’entrée du restaurant d’alpage: «A l’époque de mon père – guide de montagne qui conduisait ses clients au sommet du Cervin mais servait aussi des rösti-saucisses à Findeln -, son restaurant était déjà une mine d’or. Aujourd’hui, l’«Alpenheim» est devenu «Chez Vrony» et il marche tout aussi fort mais avec une carte plus sophistiquée. Ma sœur Vrony a transformé l’établissement avec son mari Max Cotting, un financier zurichois qui dirige aussi le service durant le week-end» commente Heinz Julen. Il a fabriqué les chaises longues à peau de vache installées sur le bar-terrasse adjacent. Perché sur les hauteurs zermattoises dans un angle où le Cervin apparaît sous son profil le plus photogénique, ce restaurant d’alpage est un vrai phénomène. On y côtoie des touristes parlant toutes les langues.
Figure emblématique du sport helvétique, le médaillé olympique Pirmin Zurbriggen est aussi un habitué de la terrasse. Il a du reste épousé l’une des sœurs de Vrony, avec laquelle il exploite plus bas, dans la station de Zermatt, un appart-hôtel romantique, décoré là aussi par son beau-frère Heinz. Décidément, une affaire de famille!
Autre personnalité (plus discrète…) de la station haut-valaisanne, le banquier privé genevois Ivan Pictet a racheté un vieil hôtel du quartier de Winkelmatten, qui était voué à la démolition. Pour éviter de voir l’un des sites les plus photographiés de Zermatt déparé par un volumineux bâtiment, il a racheté l’établissement et fait dresser à la place un élégant restaurant, le «Sonnmatten», devenu l’une des bonnes tables de la station sous la houlette de son gérant, René Foster. Là aussi, les saveurs de la Méditerranée ont remplacé les rösti-œufs-au-plat-raclettes. Elles tentent de faire oublier les odeurs de fromage et de pommes de terre rôties.
Les nostalgiques le déploreront, mais l’évolution paraît inéluctable.
Olivier Grivat
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